Il y a des sujets dont je préfèrerais ne pas avoir à traiter... mais il ne faut pas se leurrer, ça arrive.
Je pourrais commencer en disant que j’ai eu la chance qu’avec ma DT, ça se passe bien. Mais ça ne serait pas tout à fait vrai : ce n’est pas que de la chance. Je crois que c'est le fruit d'une expérience de vie que je vais partager. Si je n’ai pas vécu le harcèlement en thèse, je l’ai connu en milieu scolaire.
Je suis au collège, je suis moquée régulièrement, dénigrée, mise à l'écart, mais beaucoup de situations passent inaperçues. Je n’ose rien dire car j'ai peur qu'on se moque (encore plus) de moi. Un jour une situation est trop flagrante, l'enfant en question est pris, doit s’excuser auprès de moi et est sanctionné d’un renvoi de quelques jours. Cela met un terme à ses agissements. Fin de l’histoire. Tout va bien. Mais en fait non. Pas pour moi. Sans m’en rendre compte, je développe une posture dans laquelle je me mets moi-même à l’écart des autres pour me protéger et je me réfugie dans mon cerveau, surinvestissant mes capacités intellectuelles. 15 ans plus tard, je vis une situation professionnelle humiliante de mise à l'écart. Je ne dis rien, encaisse, et finis par partir. Job suivant, je me retrouve en contexte professionnel toxique. J’en ai marre de ne rien dire, je l’ouvre, mais mal, la situation empire. Je blâme mon directeur tout en culpabilisant de ne pas savoir gérer cette situation. Je blâme la présidente qui ne fait rien pour me soutenir, au contraire. Je finis en arrêt de travail. Burn out dit la médecine du travail. J'écope in fine de 6 mois d’arrêt puis d'une rupture conventionnelle. Trou noir. Et je découvre la conférence TEDx d’Emmanuel Piquet sur le harcèlement scolaire. Pour elle, prêter attention au harceleur, c'est renforcer sa position de dominant ; défendre le harcelé, c'est l'ancrer dans sa posture de victime qui ne peut pas se défendre seule. Son approche consiste à muscler les victimes pour qu’elles développent leurs propres défenses, leurs propres forces pour être capables d’agir et sortir de la posture de victime. C'est d'ailleurs aussi le cas des formations Stand’up pour lutter contre le harcèlement sexiste et sexuel. Révélation 1 : ce que j'ai vécu, c'était du harcèlement. Révélation 2 : l’expérience de harcèlement scolaire vécue 20 ans auparavant a laissé cette posture de victime en moi qui conduit à reproduire le même schéma de petite victime sans défense face à des grands méchants et un monde hostile. A partir de là, je commence un travail sur moi pour prendre conscience de mon fonctionnement, prendre confiance en moi, découvrir et développer mes forces, et me doter d’outils pour m’affirmer dans les relations de façon plus saine et constructive. Cela passe par des lectures, des formations, des séances avec des thérapeutes, des dicussions avec des personnes à qui j'accepte de m'ouvrir et qui m'apportent des conseils précieux. J’apprends, comprends et expérimente que je ne choisis pas ce qui m’arrive, mais je choisis ma façon de réagir à ce qui m’arrive, et que ma façon d’agir change ce qui m’arrive. C'est un travail long - qui est d’ailleurs toujours en cours - mais qui paye : je constate que mon rapport aux autres change et que mon poste suivant, ie ma thèse, s’est très bien passée avec ma DT, et globalement bien avec mon terrain hormis des aléas que je considère « normaux », inhérents aux relations humaines, et que j'ai su gérer. Et dans mon poste actuel, je suis à nouveau entourée de personnes bienveillantes et soutenantes. Pourquoi est-ce que je te raconte tout ça aujourd’hui ? Parce que je crois que si tu vis des situations qui relèvent du harcèlement avec ton ou ta DT, la clé pour en sortir n’est pas d’attendre qu’il ou elle change d’attitude car tu n’as aucune prise sur le comportement de l’autre. Elle n’est pas non plus d’attendre que le système change, ou que ton ED ou autre vienne sanctionner ton/ta DT. D’une, car tu risques d’attendre longtemps. De deux, parce que même si ça résolvait la situation immédiate, ça pourrait bien créer ou entretenir une posture de victime qui a besoin d’un sauveur. Si c’est ce que tu vis, alors peut-être qu’un des enjeux majeurs de ta thèse est de le reconnaitre et d’apprendre à te muscler pour trouver comment agir sur la partie qui te revient (et que celle qui te revient. On laisse à l'autre sa part ! comme quand on tient une corde à deux, on ne peut pas obliger l'autre à lâcher la corde, mais on peut de son coté la tendre, la rendre plus lâche, la lâcher...). Ca demande du temps, des efforts, de la patience, de la persévérance. De l’humilité aussi, pour aller chercher du soutien, non pas pour résoudre la situation à ta place, mais pour t’aider à prendre ta juste place et trouver la posture qui te convient à partir de tes forces et ressources. On passe à l'action ! Si tu es concerné·e, il est probable que ce message ne te laisse pas indifférent. Doux euphémisme. Voire qu'il te révolte et te mette franchement en colère. Si des émotions surgissent à la lecture, je t'invite à les observer. Sans chercher à les nommer, ni à les réprimer, ni à les commenter. Simplement observer ce qui est là et le laisser venir. Si des pensées surviennent, idem, observe les, sans les alimenter, sans les dénigrer. Peut-être veux-tu les mettre à plat sur papier pour prendre de la distance avec. Peut-être veux-tu m'écrire ton expérience. Peut-être veux-tu en parler de vive voix. Tu peux me contacter si tu veux. Je ne suis ni coach ni psy mais je peux écouter. Et si vous êtes plusieurs, on pourrait créer un groupe privé confidentiel d'échange pour du soutien mutuel. Dans tous les cas, offre toi le temps dont tu as besoin. Cherche le soutien dont tu as besoin. Ne reste pas seul·e. Et puis peut-être que tu es concerné·e mais que les perspectives partagées ici ne te conviennent pas, ne te parlent pas. Pas de souci, elles n'ont pas de prétention universelles ! Si tu as des envie de me faire part de ton témoignage et de ressources sur ta façon de le vivre et de faire face, je te lirai volontiers. Dans tous les cas, souviens toi : tu es déjà puissant·e, cher·e doctorant·e !
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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