Dans mon labo, lorsqu’on s’inscrit en thèse, on s’engage à présenter et discuter nos travaux chaque année : en colloque doctoral en première année, en réunion de labo et en colloque national en deuxième année, et en colloque international en troisième année. Si nous voulons que nos participations à des colloques soient prises en charge, nous devons présenter, pas seulement écouter les autres parler.
Le but est de nous obliger à discuter de nos travaux à tous les stades d’avancement, de façon à se roder à l’exercice et valoriser nos travaux mais aussi et surtout pour nous aider à faire murir nos idées et nos thèses. Une thèse ne se fait pas seul derrière son ordinateur. La rédaction, oui. Mais les idées se construisent en les discutant, en les confrontant, en les débattant. En plus des colloques, je suis intervenue dans des événements professionnels, qui m’ont permis de discuter de mon sujet et de mes idées avec des professionnels, des acteurs de terrain, ce qui m’a donné des perspectives complémentaires pour m’assurer de la pertinence opérationnelle de ma thèse (je suis en gestion, donc cette dimension est importante dans ma discipline, et c’était un souhait personnel de faire une thèse qui serve concrètement et pas seulement théoriquement). J’ai également contacté directement plusieurs des chercheurs dont je trouvais un ou des articles particulièrement intéressants, pour le leur dire, dire les réflexions que cela suscitait chez moi, les questions, et au passage, dire sur quoi je travaillais et les questions que je me posais, et demander s’il serait possible d’échanger par téléphone sur ces points. Tous n’ont pas répondu, mais j’ai été agréablement surprise de voir le nombre qui ont donné une réponse positive et qui m’ont accordé une demie heure, une heure voire deux heures. L’un deux a trouvé mon sujet et mon approche tellement intéressants que l’on a échangé plusieurs fois, il m’a contactée quand il a voulu organiser une journée de recherche et je lui ai fait part de contacts que j’avais et il m’a demandé mon avis pour la publication d’un ouvrage collectif, donc tout le monde y a trouvé son compte, et il a fini rapporteur dans mon jury ! Comme quoi, un email peut mener loin. Tous ces échanges, ponctuels ou durables, ont été clés pour m’aider à voir clair par rapport à mon sujet. Ma directrice a dit lors de ma soutenance que son travail principal a été de me sortir des ornières quand le doute devenait envahissant. De fait, seule avec toutes mes idées foisonnantes, mon envie de (trop) bien faire, mon goût pour aller dans le détail, je m’embourbe aisément ! Et je dois avouer que... je ne sais pas si je dois le dire mais... ça ne finit jamais. Même après la thèse, le doute est toujours là. Avant de connaître mon sujet, j'avais l'impression de ne pas savoir quoi dire. Maintenant, j'ai l'impression d'avoir trop à dire et continue d'avoir de nouvelles idées, alors je ne sais pas comment extraire une idée simple des 400 pages, ou alors je trouve ça trop simpliste, etc. Donc en discuter est essentiel. Echanger avec des chercheurs, de ma discipline ou non, familiers de mon sujet ou non, m’a énormément aidée et m'aide à clarifier mes idées, à identifier ce qui est pertinent ou pas, à trouver comment les formuler, à savoir ce qui est à garder et développer et ce qui est intéressant... ou pas. On passe à l'action ! Alors, peu importe en quelle année tu es, n’attends pas de savoir quoi dire, comment le dire, d’être sûr.e de toi, d’avoir bien clarifié tes données, tes idées, tes résultats pour en parler car ce jour là je viendra jamais. Faire de la recherche, c’est douter, questionner… avec d’autres ! Action #1 As-tu déjà contacté un ou des chercheurs dont tu admires les travaux, pour en discuter avec lui ou elle ? Ca peut être quelqu’un qui a présenté en colloque avec qui tu n’as pas osé discuter, quelqu’un dont tu as lu le livre ou l’article que tu rêverais de rencontrer… Si c’est un article, son email est probablement sur l’article. Sinon, tout bon moteur de recherche permet aujourd’hui de trouver l’adresse email universitaire de la plupart des chercheurs exerçant encore ; quant aux non-universitaires, ils sont souvent sur Linked In. Comme m’a dit ma première patronne, the ‘no’ you have, the ‘yes’ you can get. Si tu ne demandes pas, c’est sûr que tu n’as pas, alors que si tu demandes, il y a une chance que tu obtiennes ! Si tu n’as pas de réponse, tu n’auras rien perdu, et si tu as un retour, tu auras tout gagné ! Alors réfléchis, à qui penses-tu en premier ? Cherche son email, et planifie un créneau précis pour lui écrire. Action #2 As-tu déjà présenté tes travaux et questionnements ? L’as-tu fait depuis moins de deux ans ? Si ce n’est pas le cas, renseigne toi sur les options possibles dans les mois qui viennent : conférence ou colloque lié à ta discipline, séminaire ou journée d’étude liée à ton sujet, séminaire doctoral interdisciplinaire, présentation en réunion de laboratoire ou d’école doctorale (si cela se fait), ça fait beaucoup d’options ! Repère la date de soumission, les conditions de candidature, et Go ! Action #3 Tu as sans doute dans ton entourage un ou des doctorants dont tu ignores ce qu’il fait…. Et qui ignore sur quoi tu travailles. Et si vous vous planifiez une session d’une heure durant laquelle tu lui expliques en 15 minutes sur quoi tu travailles puis il/elle te pose questions pendant 15 minutes pour mieux comprendre, réagir, discuter, puis vous échangez les rôles ? Je l’ai fait avec des gens qui n’étaient pas de ma discipline, qui ne connaissaient rien à mon sujet, ni de prêt ni de loin, et j’ai été bluffée par la façon dont les questions « naïves », « novices » ont pu m’inspirer ! Ca marche aussi avec des non-doctorants, un ami, un compagnon, un parent, ou autre. Action #4 C’est râpé pour cette année, mais fais le l’an prochain, inscris toi au concours Ma Thèse en 180 secondes ! L’exercice a été clé pour me débloquer dans la rédaction quand j’avais tellement de trucs à dire que je ne savais pas quelle était ma thèse, mon idée clé, la substantifique moëlle de mon travail Il n’y a pas d’ordre dans ces actions, elles ne sont ni exhaustives ni exclusives les unes des autres mais seulement des suggestions pour t’inspirer à oser parler de ce que tu fais, et tu verras, tu seras inspiré en retour !
2 Commentaires
Angèle
5/12/2021 10:40:50
Merci beaucoup une nouvelle fois pour ce post!
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Anne-Claire
5/18/2021 14:57:11
Merci Angèle pour ce partage, c'est une super idée ! J'espère que ça va en inspirer d'autres
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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