Je vous propose aujourd'hui d'aller à la rencontre d'Estefania Dominguez, qui a soutenu sa thèse quatre jours après moi. Je l'ai rencontrée lors de la 1ère retraite de rédaction de Parent(thèse)Bretagne-Loire en février 2019, qu’elle coorganisait et coanimait avec Noémie Guérif. La suite … une amitié et plein de pomos skype au compteur ! Quelques mots sur notre invitée Estefania est franco-espagnole, son parcours académique se partage entre l’Espagne et la France. Elle est Docteure en Didactique des langues et des cultures de l’université Sorbonne Nouvelle depuis novembre 2020. Sa thèse s’intitule « Comprendre l’agir prescriptif à travers une démarche réflexive. Analyse de paroles d’enseignantes de FLE ». Elle a enseigné entre autres à l’université d’Angers et à l’université Sorbonne Nouvelle. Elle est coorganisatrice du séminaire IDAP (Interactions didactiques et agir professoral) de l’école doctorale 622 (Sorbonne Nouvelle). En 2018, elle a fondé l’association PTH(BL) avec Noémie Guérif (aujourd'hui docteure en Sciences du langage) et Matthieu Josselin (aujourd'hui docteur en Sciences du langage et de l’éducation). Elle est actuellement vice-présidente de l’association et adore proposer des ateliers lors des journées PTH. Je vous laisse entre ses mots, bonne lecture ! Je souhaite partager quelques bribes de mon vécu de thèse, l’objectif que je me donne est de le faire à travers 4 « thèmes-clés » et sans tabous : c’est parti pour une petite rétrospective au plus près de la face cachée de la thèse ! … Le grand huit émotionnel Pendant mon parcours doctoral, si je retiens une chose, ce sont bien les bousculades émotionnelles. Ça te parle ? De l’excitation des premiers mois à la détresse de la suite. Tout n’est ni tout rose, ni tout noir mais en toute honnêteté (parce qu’il s’agit bien de cela), dans mon cas c’étaient essentiellement des émotions négatives : le doute, la peur, l’effondrement, la lassitude, le désespoir, la honte, l’angoisse, la tristesse et tant d’autres. La thèse nous met à l’épreuve, à la RUDE épreuve : face à nous, face à nos démons, face à cette partie moche (et pas méchante mais chiante quand même). MAIS ALORS POURQUOI J’AI L’IMPRESSION QUE JE SUIS LE.LA SEUL.E A RESSENTIR DE LA DOULEUR ? POURQUOI J’ENTENDS PEU PARLER DE CA? Et bien bonne question ! L’omerta sur la souffrance et la détresse dans lesquelles peuvent nous plonger la thèse (je ne sais pas pourquoi je nuance, elle nous y plonge…) est quelque chose (malheureusement) de peu parlé, peu dit, peu exprimé. La réussite, le « ça va », les « oui oui j’avance », les « bon ok, il y a des jours sans et des jours avec » …. Toutes ces nuances … disons-le clairement, simplement, honnêtement : c’est dur, c’est complexe, c’est déstabilisant et ça fait mal (très mal) ! Est-ce que ça passe ? Est-ce que c’est juste au début ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est ce que moi j’ai vécu : j’ai eu mal du début à la fin et même à l’aube de la soutenance quand objectivement tout allait bien car le rapport de ma thèse était bon : j’ai douté comme jamais (# Maitre Gims) ! Pire, j’ai douté plus que jamais. Il n’y a pas d’expérience type, c’est juste la mienne. PS : Ma soutenance a été un moment extraordinaire (oui, je me suis dit pour la millième fois : tout ça pour ça ! mais ce qui fut, fut). Les deuils Ah les deuils ! mais si on m’en avait parlé ! Tu vois l’image de ta thèse au début - dans la rédaction de ton projet de thèse - dans les premiers mois : une thèse inspirée et inspirante, une thèse hyper-novatrice, une thèse canon ! Bon, la suite, comment dire : c’est de la photo parfaite au dessin fait les yeux fermés (je force le trait mais pas tant que ça). Combien de deuils ? MOULT dirais-je. Concrètement ? Allez, je tente l’exercice : Le deuil d’un pan de mes analyses : oui, j’ai analysé, codé, fait des schémas (pour la « thèse canon » bien sûr) MAIS au moment de mettre ça en texte, d’écrire ma partie analyse, progressivement je faisais le deuil d’éléments importants pour lesquels j’avais passé des heures (en vrai, des mois !) et la sensation est douloureuse (très).
Que du négatif ? Mais non, rassure-toi… Deux choses m’ont personnellement sauvée (qui dit sauvée, dit ne pas avoir abandonné). Le partage Combien de fois, noyée dans mes 1000 idées à la seconde (oui, j’aime bien exagérer), je ne voyais plus rien ! Combien de fois, j’ai passé des heures à faire le schéma du schéma du schéma pour clarifier, organiser, m’en sortir ! Et, malgré ces efforts : rien, nada, niet ! Un miracle pour s’en sortir ? Non, plus simple encore : le partage. Ce qui m’a sauvée (et là, je n’exagère plus du tout), c’est la chance d’avoir eu des oreilles pour m’écouter. Une amie pour parler sans censure : « voilà, j’ai un nœud, je suis coincée avec telle chose, je vais t’en parler, tu m’écoutes » (oui, c’est un peu directif mais c’est ce qui a marché pour moi) : VER-BA-LI-SER. Ça fait toute la différence entre te parler à toi-même (un puit sans fond) VS parler à quelqu’un : tu trouves progressivement la voie parce que tu dois rendre compréhensible le truc. Le partage, c’est aussi l’aventure Parenthèse, les journées et les pomos sur skype. Pas besoin de parler de ton sujet : mais QUE CA FAIT DU BIEN d’avoir des gens qui sont comme toi dans la même galère ! Je n’aurais jamais (JAMAIS !) réussi à aller au bout de ma thèse sans les pomos en compagnie : des pomo de l’après-midi et du soir (mes meilleurs chapitres se sont écrits entre 22h et 2h du matin avec des doctorant.e.s qui sont devenu.e.s des ami.e.s et pourtant pour la plupart je ne les ai jamais vue.s en présentiel ! Le pouvoir du partage ! La voix intérieure Alors, perso c’est plutôt « les » voix intérieures (mais ça c’est un autre sujet). Ce que je souhaite partager ici c’est la voix qui vient par rapport à une idée, une façon de concevoir une partie de la thèse. Tout au long de la mienne, comme je te le disais, il y a des deuils. Et il y a des « forces ». Dans mon cas, il s’agissait de deux chapitres qui étaient pour moi en totale cohérence, qui pour moi avaient du sens, qui – si j’écoutais ma voix intérieure – étaient « bons ». Ce que je veux dire par là, c’est que même les remarques ou critiques constructives de mes directrices (que j’entendais) ne me faisaient pas démordre. Dès le début et jusqu’à la fin : je me suis écoutée. Je SAVAIS. Ça s’est traduit par une protection volontaire de ces deux chapitres : jamais sans eux, à la vie comme à la mort. Je les ai peaufinés mais je ne les ai pas dénaturés : j’étais prête à les défendre jusqu’au bout. Et ça a payé. Cette voix intérieure, tu l’as sûrement déjà entendue, et souvent les remarques des autres te font douter … je n’ai pas « le » conseil mais si cette voix te reparle plusieurs fois avec beaucoup d’intensité, je te dirais de l’écouter, de lui laisser dire ce qu’elle a à dire. Petite confidence : lors de ma soutenance, ma directrice m’a dit que j’étais entêtée. J’ai pris ça comme un compliment et ma voix intérieure a sauté de joie ! Ecoute-toi, personne ne vit, mange et dort avec ta thèse plus que toi. Il y a des deuils à faire (oui), il y a des remarques à prendre en compte (certes) et il y a cette voix intérieure qui est bien maline (seul.e toi est à même de décider de l’accueillir ou pas, ton choix sera le bon). Mon vécu ne se résume pas à ces 4 points mais ils ont été clés pour moi. Si ce partage sincère t’aide un peu, c’est ce qui compte. Et toi ? tu t’y reconnais sur certains points ? Que ce soit oui ou non, c’est OK. Chaque vécu de thèse est par définition singulier. N’hésite pas à m’écrire pour partager, pour des questions : [email protected] Je serais ravie d’échanger avec toi. Merci Anne-Claire pour cette invitation, ça m’a fait un bien fou cette petite rétrospective ! 😉
1 Commentaire
Ouissal
5/25/2021 02:18:31
U
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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