Le jour du dépôt te semble peut-être loin. Voire très loin. Pour moi, c’était un mirage. Tu sais, ce truc qui recule au fur et à mesure que tu crois t’en approcher. J’ai d’abord voulu finir mon manuscrit à l’automne… de l’an dernier, j’ai été rattrapée par une situation personnelle compliquée. J’ai voulu finir au printemps, et le confinement est arrivé, avec garde d’enfants et émotions à gérer. J’ai ciblé le début de l’été, j’ai encore dû décaler. Alors quand je dis que je ne tiens jamais mes délais… Et puis, ce jour est enfin arrivé. Je croyais que ma joie allait exploser, que je serais soulagée, libérée, et pleine de fierté. Sauf que je me suis écroulée.
J’ai craqué. Mes nerfs ont lâché. De la fierté, il y en a. Ma tête le sait. Je suis très contente du travail que j’ai fait, je serai contente de le présenter et d’en discuter, puis de le partager. Sauf qu'au moment du dépôt, ce n’est pas ce qui a dominé. "4 ans. Putain de 4 ans. Une aventure incroyable, qui forgent celle que je suis devenue. Des rencontres stimulantes. Des altercations. Un sujet inspirant. Des prises de tête. Des joies immenses. Des butées. Des doutes. Des changements. Dans la thèse, dans ma vie. Deux déménagements, une séparation, deux arrêts de travail, entre autres. Des questionnements. Des instants de grâce. Des errements. Des inspirations. Des effondrements. Des envols. De la persévérance. De l’acharnement. J’ai appris. J’ai grandi. J’ai adoré. Mais qu’est-ce que j’en ai bavé ! Tellement…" Et à ce moment-là, c’est ça qui a pris le dessus. Ni la fierté, ni la joie, ni même le soulagement, mais la douleur, qui pouvait enfin s’exprimer. Avant, il fallait s’accrocher. Tenir. Ne rien lâcher. Aller au bout. Et pourtant, je me suis beaucoup écoutée, j’ai « géré » comme on dit (ça tombe bien, je suis en gestion), j’ai fait face aux déferlantes personnelles en gardant la main sur la barre pour faire avec la houle sans sombrer, ni dériver. J’ai ménagé mes efforts et mes ressources pour tenir sur toute la durée de la course de la thèse jusqu’au sprint final, en y mettant le meilleur de moi. Et là, une fois la ligne d’arrivée franchie, je pouvais relâcher. Enfin. M'écrouler, même. On me disait "profite de la satisfaction et de la joie ! " Mais je n’avais pas du tout envie de célébrer à ce moment-là, même si je l'ai fait. Je voulais surtout pleurer. Laisser sortir tout ce qui venait. Reconnaitre à quel point ça a été dur. Intellectuellement, émotionnellement, nerveusement. Physiquement parfois aussi. Comme si tout ce qui m’a poussée pendant quatre ans, ce qui m’a permis de continuer d’avancer à travers les difficultés et les aléas n’avait tout à coup plus d’objet à pousser et se déversait à flots faute d’objet pour la canaliser, avant de se rendre compte que c’est désormais sans objet, justement, même si bien sûr il reste la soutenance. Je n’imaginais pas ce que c’est faire une thèse. Ou si j’imaginais, ça n’a pas eu grand-chose à voir avec ce que j’ai réellement vécu. Et même ma réaction au dépôt, je ne pouvais pas l’imaginer, pas l’anticiper. Je n'ai aucune idée de comment ce jour sera pour toi. Toi non plus. Personne ne peut le savoir. Alors je te souhaite de ne pas anticiper ce moment. D'accepter de ne pas savoir. Et je t'invite à t'autoriser à ressentir ce que tu ressens, comme une part de l'expérience à part entière, à accueillir ce qui sera là, comme ça sera, confortable ou inconfortable, . PS : Quelques jours plus tard, l'envie de célébrer a finalement pointé son nez... :)
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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