![]() Ce mardi, j’assistais à la soutenance d’une amie, brillante, sur le fond comme sur la forme. Je suis bluffée par la quantité et la qualité de travail qu’elle a abattu. Face à ça, je me sens toute petite. Nulle même suje que Elle a réalisé une ethnographie dans des terrains sur quatre pays et trois continents. Une capacité à mobiliser différents cadres théoriques et les appliquer pour éclairer son sujet sous différents angles. 4 articles ou chapitres d’ouvrage publiés ou en cours de publication. Des contributions théoriques et méthodologiques et des éclairages pour des projets de coopération internationale au niveau ONU et états. Une capacité à observer, écrire, articuler des idées, forger ses idées en interaction avec d’autres, assumer ses positions et le faire en dialogue avec de nombreux acteurs, académiques et de terrain. En plus d’une vie personnelle plus qu’agitée, je le sais de par la proximité de notre amitié.
Face à ça, je trouve ce que j'ai fait insignifiant. Je me demande si mon travail a de la valeur. Si je suis vraiment faite pour la recherche car je ne me sens pas à la hauteur, je ne sais pas si je suis vraiment capable de publier, si je sais engager des conversations significatives. Et pourtant, il y a quelques mois, c’était moi qui étais à sa place. C’est moi qui soutenais, qui défendais la valeur de mon travail de terrain et de mes contributions théoriques, qui répondais aisément aux questions du jury, qui recevais des messages de félicitations et des retours impressionnés. Ah Ah Ah, je les ai bien eus ! J’ai bien dit ce qu’il fallait dire pour les impressionner et faire croire que je sais de quoi je parle, que je fais ce qu’il faut, que je sais collecter, analyser et théoriser, discuter avec d’autres chercheurs, communiquer, publier, mais en vrai, je ne sais pas faire ! Syndrôme de l’imposteur, quand tu nous tiens… Alors je souris de ces pensées qui surgissent une fois de plus, et décide de m’adresser à lui. Cher syndrôme de l’imposteur, je vois que devenir docteure ne t’a pas fait disparaître, tu étais seulement parti faire un petit tour. Tu sais quoi ? Je vais arrêter de lutter contre toi. J’ai décidé de t’accepter, de t’accueillir puisque tu es là, et te faire une place, que je choisis, pour ne plus te laisser m’envahir, pour que tu ne prennes plus le contrôles sur moi. Oui, quand je m’entoure de gens qui ont moins de connaissances ou moins d’expérience, de gens qui m’admirent, que j’aide, ça me rassure (un peu) parce que ça te tient à distance. Mais très vite je m’ennuie, je doute à nouveau de moi et je manque de stimulation. Quand j’interagis avec des gens qui ont plus de connaissances, plus de compétences, plus d’expériences, c’est moi qui les admire et tu ressurgis vite pour rabaisser ce que je suis et ce que je fais car ces interactions me mettent face à mes limites. Alors je te remercie d’essayer de me protéger en me faisant rester dans ma zone de confort, mais je choisis aujourd’hui d’accepter l’inconfort de la remise en questions, et que les doutes et les errements font partie de l’apprentissage quand je repousse les limites. Et je te garde avec moi pour l’humilité que tu peux aider à conserver. Bien à toi, Anne-Claire PS : après avoir écrit ce texte, j'ai suivi une soutenance d’HDR d’une chercheuse que j'admire. Un des membres de jury, dont j’avais remarqué plusieurs articles parus dans des très bonnes revues internationales, pose une question qui me sidère : il dit qu’il a toujours peur, surtout quand il utilise un auteur en philosophie, d’être un imposteur parce qu’il n’est jamais sûr de le mobiliser correctement et il voudrait savoir si elle vit cela aussi puisqu’elle a une formation en philosophie et l’utilise dans ses recherches en gestion. Et elle répond qu’elle aussi vit le syndrôme de l’imposteur, car elle a toujours l’impression de ne rien y comprendre en philosophie et qu’elle enseigne en gestion alors qu’elle n’a jamais travaillé hormis dans le contexte universitaire. Ces pensées l’invitent à rester humble dit-elle, à ne jamais se positionner comme experte, ie. quelqu'un qui apporte des réponses, simplement comme chercheuse ie. quelqu’un qui pose des questions pour faire avancer les réflexions. Comme quoi ! PS2 : Et le soir, mon amie qui a soutenu m’appelle (je n’avais pas pu y être à cause des restrictions de voyage international liées à la COVID), et devinez ce qu’elle aborde dans la conversation ? :) Elle doute tout le temps, même si aujourd’hui ça lui fait du bien d’être capable de défendre sa recherche et qu’elle espère que ça l’aidera à dépasser cela. Alors je me dis que peut-être que le syndrome de l’imposteur est aux chercheurs ce que le trac est à l’acteur, un moyen de se dépasser et donner le meilleur de soi... si on ne le laisse pas nous paralyser. On passe à l'action ! Et toi, es tu familier(e) du syndrôme de l'imposteur ? Si oui, tu vois que tu n'es pas seul(e) :) Et si tu identifiais une situation précise où il s'est manifesté, et que tu observais ce qui s'est effectivement passé ?
Que t'apporte-t-il ? Oui, ça peut paraitre bizarre car on ne l'aime pas trop généralement, mais s'il est là, c'est qu'il remplit une fonction, qu'il joue un rôle. Peux tu mettre des mots dessus ? Enfin, tu pourrais lui écrire une lettre, en lui disant par exemple merci pour xxxx, et quelle place tu veux lui faire. Ou en lui crachant tout ce que tu as envie de lui dire s'il te soule trop !!! Ou en l'invitant à aller voir ailleurs et pour quoi. Histoire qu'il ne t'empêche plus, ou un peu moins, de faire ce travail qui te tient tant à coeur NB : Merci à Parenthèse PACA qui a abordé le sujet du syndrôme de l'imposteur lors du dernier rallye ; même si je n'ai pas suivi l'atelier, ça m'a donné l'élan pour enfin écrire sur ce sujet que j'avais évité pendant un an
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Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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