![]() Après les témoignages de Noémie et d'Estefania, je donne aujourd'hui la parole à Pauline, qui a soutenu sa thèse tout récemment. Pauline, c'est une de ces personnes qui forcent mon admiration, car elle a réussi ce qui pour moi est le plus dur des combo: aller au bout de sa thèse tout en travaillant et en ayant des enfants, sans que son couple explose et sans arrêt maladie. Une gageure. Elle nous partage ce qui lui a permis d'aller au bout à travers tous ces défis : la détermination et la force du collectif. Bonne lecture ! Je m’appelle Pauline, j’ai 34 ans et demi, deux filles, trois cochons d’inde, un boulot et maintenant un doctorat en sciences de l’éducation. Youhouuu ! Voilà un aperçu de mon parcours avec un éclairage sur les situations qui m’ont permis de finir cette thèse : être déterminée, varier les temps de travail et travailler en collectif. Détermination, je te tiens tu me tiens... J’ai un parcours singulier, après un parcours aux Beaux-Arts, loin de la fac, avec des codes tout à fait particuliers du genre ne jamais rendre un dossier sur feuille A4 car c'est trop académique… Je me suis dit que finalement, j’allais y mettre les pieds, après avoir été salariée pendant 3 ans. Revenir sur les bancs de l’école après les avoir quittés n’est pas de tout repos, mais la détermination n’est pas la même. Peut-être plus forte parce que c’est un choix qui coûte de tordre des habitudes de salariée vers des habitudes d’étudiante ! Revenir à une vie plus modeste, se plier aux heures de cours les fesses vissées sur une chaise, retrouver des temps solitaires de recherche en bibliothèque aussi (ça en revanche c’était vraiment super). Je n’ai finalement pas passé 3, ni 4, ni 6… mais 7 ans en thèse ! 7 ans au Tibet, avec la même détermination tous les ans : là c’est la dernière (OK j’avoue j’ai du mal à me projeter de manière réaliste). J’ai la chance d’avoir pu travailler sur un sujet qui me porte et me passionne, mais pour une recherche « bénévole » puisque j’ai travaillé pendant toute la durée de la thèse, pour vivre, payer mon loyer etc…Et le choix de faire une thèse en travaillant est clair depuis mon inscription : pas de recherche « hors-sol », pour moi ce n’est pas négociable de mener cette thèse sans rester dans le concret du quotidien du travail, pour avoir ce double bénéfice d’éclairer mon boulot et d’ancrer ma recherche dans une pratique concrète, réelle. Ce sujet pour lequel je milite presque avait déjà pointé le bout de son nez aux Beaux-Arts et lorsque j’ai choisi de le porter pour de bon, cette fois-ci, j’ai identifié très tôt (et régulièrement) les enjeux personnels qui y étaient liés : le fait d’avoir un niveau d’études important, reconnu, le fait de traiter d’un sujet dont ma famille ne pouvait pas s’emparer (émancipation re-bonjour !) et de suivre une intuition de recherche. J’ai eu la chance de suivre, en plus de mon master pro, les séminaires de recherche les samedis, avec une méthode très bienveillante d’échanges et une technique en début d’année qui nous a permis à tous d’identifier nos « venins », c'est à dire ce qu’on écrirait sur une pancarte pour militer pour notre sujet de thèse. Ça m’a aidé à garder un cap cohérent avec ce que j’étais à chaque moment où je les ai posés et je l’ai fait régulièrement, à chaque fois que j’ai pu transmettre cette méthode pour cerner son sujet. La détermination se trouve aussi dans le fait d’embarquer du monde dans sa recherche, n’étant pas financée, j’ai eu la chance de dessiner les contours de mon travail comme je voulais. J’ai travaillé avec des éducateurs pendant presqu’un an, nous avons appris à nous connaître, j’ai appris à assumer mon travail de thèse avec eux. Et il m’est arrivé, plusieurs fois, de penser à arrêter, à tout lâcher, parce que le quotidien du travail prend trop de place, parce que la parentalité demande aussi beaucoup d’énergie… et finalement, parce que je leur avais promis un retour, j’ai poursuivi. Pour eux aussi. Mais aussi parce qu’il y avait un côté de moi qui a vécu aussi cette thèse comme une revanche sur mes études passées, comme si cette fois-ci c’était la bonne et que j’allais enfin pouvoir prouver que je vaux quelque chose, quelque chose d’académique, de cadré, que je peux enfin rentrer dans une case (joyeux paradoxe quand on travaille avec des personnes hors-normes… !) Rien sans mon équipe de choc Même si je voulais travailler seule, que ce projet de thèse j’allais le porter à la sueur de mes doigts sur le clavier ho hisse, Je crois que le mot d’ordre pendant toute cette longue période a été équipe. Ma direction de thèse a été sur l’autonomie, avec un suivi assez large. Mais ma co-encadrante me suivait depuis le master et pour moi c’était la condition pour rentrer en thèse : partir avec un guide de confiance. Et bien qu’elle n’ait pas été très présente, elle a toujours envoyé un message pour prendre de mes nouvelles, sans jamais brusquer ni juger ce que j’étais en train de vivre, et dire juste avant la soutenance « j’ai pris beaucoup de plaisir à lire votre thèse » j’en ai encore les larmes aux yeux. Au quotidien aussi j’ai eu un allié de taille, un atout numéro un : la chance d’avoir un conjoint qui a aussi traversé l’aventure de la thèse, alors il sait que ce n’est pas un mémoire, que ça ne se règle pas avec « tu prends une semaine de congés et tu termines là » ! La dernière année, il a géré nos filles, les repas au quotidien (accroche toi : la phrase « qu’est-ce qu’on mange ce soir ou demain » ne traversait même plus mon cerveau…) et ce sans reproches, rappels, ni ardoise. Ce compagnonnage-là m’a sauvé… oui mais pas que Mes parents aussi ont donné de leur personne, nous accueillant des week-ends entiers, moi à bosser non-stop sans participer au quotidien, eux à gérer nos filles, sans jamais faire état de quoi que ce soit. Le doctorat n’étant pas une aventure de tout repos, c’est avec grand plaisir que j’ai trouvé des compagnons de « galère » : des doctorants salariés, des doctorants avec des enfants (petits ou grands), des doctorants qui n’habitaient pas dans la ville de leur université… Il m’a fallu « trouver du même » : trouver des personnes avec qui partager une réalité commune. Je n’habitais pas dans la ville de mon labo et mes collègues doctorants étaient aussi salariés à temps plein (ou quasi) et ce dans des villes différentes… Alors j’ai une chance inouïe d’avoir pu rencontrer l’équipe de Parenthèse Bretagne Loire dont j’ai fait un peu partie, les autres doctorants des autres associations ParenThèse, de goûter à l’expérience du travail solitaire collectif (merci les pomos et les retraites !), de trouver des coéquipiers en équipe de nuit (oui !) du Skype à distance : c’est-à-dire que lorsque j’ai déposé au petit matin, il y avait du monde avec moi. J’y ai découvert une proximité de travail exceptionnelle, avec une solidarité et une bienveillance inouïe, des amis pour la suite, on se serre tellement les coudes quand c’est rude qu’évidemment ça nous a rapprochés. Les mêmes encore étaient là pour la soutenance, et chacun d’entre nous qui soutient, c’est toute une équipe qui passe la ligne d’arrivée, on stresse, on pleure de vivre aussi un peu l’aventure des autres, de ces montagnes russes de thèse qu’on a partagées.
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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