![]() Voilà un an et demi que je n'ai pas écrit de nouvel article pour Puissants Doctorants. Le dernier e-mail envoyé en février 2022 reprenait un ancien article, intitulé "Je veux que tout s'arrête". Et pourtant j'ai continué. Je me suis accrochée, accrochée car j'avais plusieurs échéances à tenir. Je me disais que je donnais un bon coup de collier, et que je relâcherai la pression et reprendrai un rythme plus tranquille après. Sauf que d'autres échéances sont apparues, la pression s'est poursuivie. J'ai pris une semaine de vacances, mais en revenant, ça n'était pas mieux. Avec ma référente de postdoc, nous avons revu mes objectifs pour les mois à venir, pour alléger au maximum la charge et rester sur ce qui nous semblait absolument nécessaire pour le projet. Dans ma vie personnelle, j'ai aussi allégé beaucoup de choses, comme Puissants Doctorants que j'ai mis en suspens. Mais même comme ça, c'était trop. Et j'ai craqué. Mon corps a lâché. Mon cerveau s'est éteint. J'ai été en arrêt maladie, j'ai repris, je me suis écroulée. J'ai été de nouveau arrêtée par ma médecin, puis j'ai tenté de reprendre à temps partiel, pour constater que je n'arrivais à rien. Et j'ai continué comme ça pendant six mois, à reprendre dès qu'il me semblait que ça allait un peu mieux, pour m'écrouler encore et encore.
Non seulement je tombais, mais je tombais encore plus bas chaque fois. En septembre, je n'étais plus capable de rien. Je n'avais plus envie de rien. Ni en pro, ni en perso. Plus d'énergie, plus d'élan. Passer l'aspirateur était ma victoire de la journée. Puis la victoire était de rester sur mon canapé toute la journée plutôt que de m'enfiler tous les médocs que j'avais. Le couperet est tombé. Dépression sévère. Si sévère que j'ai passé deux mois en clinique psychiatrique suivis de six mois de suivi étroit par ma médecin, mon psychiatre et l'art-thérapeute de l'hôpital de jour ainsi qu'un accompagnement sportif progressif pour remonter la pente peu à peu. Pourquoi est-ce que je te raconte tout ça aujourd'hui ? Parce qu'il me semblait important d'expliquer pourquoi ce silence brutal et de finir officiellement ce blog pour ne pas rester dans quelque chose d'inachevé. Parce que depuis le début de ce blog, je partage honnêtement du vécu. Et qu'il me semble que ce vécu là de crash de santé mentale et physique est très courant mais trop tabou, ou associé à de la faiblesse. Parce que la norme est qu'il faut être fort, traverser cela, remonter et continuer comme si de rien n'était, pour aller au bout. A tel point qu'on l'intègre sans forcément s'en rendre compte. Je suis tombée dans le travers. Tenir et réussir a un coût. Financier, familial, personnel, physique, mental. Oui, j'ai appris beaucoup. Oui, j'ai repoussé mes limites et démontré des qualités comme la ténacité. Oui j'ai mis en place beaucoup de choses, notamment partagées ici, qui continueront de me servir. Sauf que je ne me rendais pas compte du prix que je payais en échange. A quel point je puisais dans mes réserves. A quel point ma famille en a souffert. Comment j'étais prise dans un cercle vicieux qui ne permettait pas de prendre du recul et dont il ne me venait même pas à l'esprit de sortir, me persuadant que la fin justifiait les moyens. Mais non, la fin ne justifie pas toujours les moyens. Parce que la destination n'a finalement que peu d'importance. C'est le chemin qui compte. Je ne dis pas que le chemin est toujours facile. Par contre, lorsque le chemin nous fait du mal et fait du mal autour de nous, la question mérite d'être posée de savoir si cela vaut vraiment le coup. Près de la moitié des doctorants souffrent de dépression et autres troubles de santé mentale au cours de leur thèse, sans toujours se poser la question ou se donner le droit de dire stop. Le piège d'avoir tellement investi dans la thèse que l'on ne s'autorise pas à arrêter, à avoir fait ça "pour rien", sauf que finalement, ce qu'on perd on continuant est pire que ce qu'on perd si on arrête. ("biais d'engagement" et "biais des coûts irrécupérables", si tu veux en savoir plus) Alors aujourd'hui, je veux te dire qu'à tout moment, tu as le choix. Ce n'est pas parce que tu traverses une mauvaise passe que tu dois arrêter. En revanche, tu as le droit d'arrêter. Même (et surtout ?) si ça te semble impossible. Savoir dire stop, reconnaitre ses limites, se préserver et préserver sa santé mentale, c'est une qualité importante. Savoir faire des choix pour aller dans des directions qui nous font du bien, c'est une qualité. Etre capable de se dire qu'on a fait fausse route, c'est peu valorisé en France et pourtant c'est essentiel, de plus en plus essentiel dans notre monde qui demande une adaptation permanente et rapide. On passe à l'action ! Je t'invite aujourd'hui à t'installer confortablement, dans un endroit où tu ne seras pas dérangé.e, et à prendre le temps de te poser la question, vraiment te poser la question : Est-ce que ce chemin de thèse me fait du bien ? Plus de bien que de difficultés ? Pas à terme, pas dans une projection de quand tu auras eu ton dipôme, mais maintenant et depuis que tu as commencé. Quel impact ce chemin a-t-il sur ma santé physique ? Sur ma santé mentale ? Quel impact a-t-il sur l'image que j'ai de moi-même ? sur mes compétences et connaissances ? Quel impact a-t-il sur la qualité des relations avec les personnes qui me sont chères ? Quel impact a-t-il sur mes finances ? Quel(s) autre(s) impact(s) a-t-il ? Quand tu fais la balance, pondérée de l'importance de chaque axe pour toi, le jeu vaut-il le coût ? Si oui, alors go go go !!! Et pense à te poser de nouveau la question au moins une fois par an. Si ce n'est pas le cas, alors il est vraiment temps de te poser la question de savoir si tu continues, et si oui pour qui et pourquoi.
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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