Tu n’as peut-être pas attendu le 1er janvier pour te dire que tu vas mieux organiser ton temps, te fixer des périodes de rédaction régulières, rejoindre des journées de rédaction, définir des objectifs SMART pour tes sessions de travail, pour décider que cette année, tu soutiens, ou rends ton manuscrit, ou boucle l’analyse de tes résultats, ou rédige ta revue de littérature, selon l’avancement de ta thèse. Pour te rendre compte quelques mois plus tard que malgré toutes tes bonnes intentions, toutes les méthodes et outils que tu connais aujourd’hui et tout ce que tu sais que tu devrais ou pourrais faire, tu retombes pourtant encore et toujours dans les mêmes travers. Pourquoi ??? Comment s'en sortir ? Je te propose une mise en perspective à l'aide d'un retour en arrière dans mon vécu personnel. 27 mars 2020. Je crois que je viens d’avoir une révélation. Je pensais soutenir en décembre 2019, puis au printemps 2020, puis avant l’été 2020 mais on est en mars et je ne vois pas le bout de mon manuscrit. Et là, avec le confinement, je ne sais même pas si j'arriverai à finir mon manuscrit d’ici juillet. Bon, ça, c'est pas une révélation Certes, je n’en suis qu’à un peu plus de 3 ans, donc ne pas avoir encore fini n’a rien d’étonnant ! Oui, sauf que je fais ma thèse à plein temps, ce qui est le cas de peu de monde en SHS, alors je pensais pouvoir finir plus vite. Mais bon, d’accord, c’est quand même pas mal vu mes choix de thèse et tout ce qui s'est passé pour moi depuis 3 ans. Les aléas et les impondérables font partie de l’aventure de la thèse. No news J’ai adopté une démarche de théorie ancrée qui fait que je n’ai pas de cadre théorique prédéfini pour guider la collecte et l’analyse de mes données, donc les aller-retours entre collecte, analyse et théorie pour théoriser à ma façon sont nombreux et demandent du temps. Ok, je le sais. L’été dernier, la rencontre avec les chercheurs en pointe sur mon sujet lors d’un colloque international m’ont conduite à prendre une nouvelle direction dans l’analyse et la conception, ce qui demande nécessairement du temps supplémentaire. Oui, c’est vrai. J’ai quitté le père de mes enfants pendant la thèse, j’ai dû faire face aux émotions associées, j’ai désormais les enfants seule une semaine sur deux, j’ai déménagé deux fois ces trois dernières années. D’accord, ça fait des circonstances atténuantes. Et là, on n’est partis pour un confinement d’une durée indéterminée, une semaine sur deux j’ai les enfants non-stop dans mon appart’ avec une seule chambre et le reste du temps, impossible de garder mes routines de travail, alors je ne vais pas me battre la coulpe si ça n’avance pas comme je veux. Ok. Objectif #1, rester en vie quand j’ai les enfants, et objectif #2, faire ce que je peux, un pas à la fois, et pour le reste, on verra.. Sauf que… moi je sais qu’il n’y a pas que ça. Que pour une part, le confinement a bon dos. Je sais, je sens qu’une part de moi n’a pas envie de finir. Ce dont je prends conscience, c'est qu'une part de moi n’a aucune envie de finir ma thèse. Si je suis honnête avec moi-même, il y a un côté confortable à être en thèse. J’aime l’exercice intellectuel. J’aime jouer avec les idées. J’aime écrire. J’aime avoir du mal et persister pour y arriver. J’aime la liberté de m’organiser comme je le souhaite. J’aime l’identité de chercheur en formation. J’aime être connectée à la communauté Paren(thèse). J’aime les heures et les heures passées avec mon super groupe de doctorants sur Pomoskype, tous nos délires, toutes nos galères comme nos réussites partagées, j’aime le sentiment d’appartenance que cela me donne. Je ne veux pas que cela s’arrête. J’aime aussi ne pas devoir passer à la suite. Le prolongation de la thèse me protège de l’inconnu, du nouveau, du changement, des choix. Du statut de chômeuse (que j'ai, mais que je n'ai pas besoin de mettre en avant pour l'instant). Doctorant, c'est vachement mieux socialement que chômeur. C’est bon d’avoir un prétexte pour ne pas pouvoir passer à autre chose. Cette prise de conscience n’a rien de confortable. Dans la suite de la journée, je me gave de bouffe, je sens une pression dans mon crâne qui menace d’exploser, mon eczéma flambe. Je surfe sur FB et autres réseaux sociaux et messageries. Pas de yoga, ni méditation, ni balade dehors, mes remèdes quand ça ne va pas. Je m’enferme, je fuis, j’évite. Et puis, hasard ou coïncidence, ce jour là a lieu un atelier sur les émotions des doctorants animé par Paren(thèse) Bretagne Pays de Loire. Cet atelier invite à observer et verbaliser les émotions récurrentes liées à la thèse, puis à en choisir une et propose un outil pour explorer ce qui se cache derrière, avant de transformer l’émotion en action. L’exercice est puissant sur le coup, je le fais de nouveau le lendemain. Quelque chose en moi change. Au lieu de me blâmer et culpabiliser de trouver toujours une bonne raison de ne pas finir, je le reconnais comme un fait. Je note dans mon journal de bord : « J’accueille l’incertitude de la suite et mes résistances à faire des choix. Je remercie les mécanismes de protection qui ont rempli leur fonction jusqu’à présent et je les laisse partir. Aujourd’hui, je suis capable de faire des choix et d’accepter leurs conséquences ainsi que celles des renoncements » Le lendemain, mon corps résiste, avec un migraine à en vomir et des bleus parce que je me cogne plusieurs fois. Mais pourtant, l’acceptation s’installe. La semaine qui suit, je commence un programme d’un an pour apporter des changements durables et profond dans sa vie à partir de nouvelles petites habitude simples mais pratiquées tous les jours, et je mets en place deux semaines plus tard le « miracle morning » de Hal Elrod qui incluent la définition et la répétition d’affirmations positives matin et soir. Dans les affirmations que je répète chaque matin, j’inclus entre autres « Aujourd’hui, je suis concentrée sur ce que je fais et mon esprit est vif. » « Je peux travailler efficacement sur ma thèse pendant le confinement. » « Je suis prête à finir ma thèse et passer à autre chose ». « Je fais les choix professionnels qui me permettent de m’épanouir et de contribuer au monde ». « Je choisis l’imperfection heureuse ». Et je constate au fil des semaines que même si le confinement a réduit le nombre d’heures de travail que j’étais capable de faire, chaque heure travaillée est désormais efficace ; je sens s’installer l'évidence que cette fois, je veux en finir pour de bon. Que mon manuscrit sera finalisé cet été et déposé à la rentrée, et que soutiendrai en 2020. Ce n'est plus une volonté, un objectif extérieur que je vise, mais une conviction profonde. Et la conclusion, si vous lisez ce blog, vous la connaissez, j'ai déposé mon manuscrit début septembre et soutenu en novembre dernier. On passe à l'action ! Pour éviter les résolutions non tenues, je t’invite à une exploration en 3 temps. #1 Quels sont les travers dans lesquels tu retombes régulièrement ? Identifie ce qui t’éloigne de ta thèse ou de son avancement. Peut-être que tu donnes beaucoup de cours et que tu passes un temps fou à les (sur)préparer. Peut-être que tu t’investis dans un projet associatif. Peut-être que tu lis toujours un truc de plus, que tu revois toujours tes phrases une fois de plus, que tu reprends tes résultats encore et encore, bref, que tu tombes dans le perfectionnisme. Peut-être que tu fais passer d’abord les tâches ménagères, tes enfants, ton conjoint, ton job. Peut-être que tu aides des proches, peut-être que tu attends indéfiniment un retour de ton directeur ou ta directrice qui ne vient pas et suspends la suite à son avis. Qu’est-ce qui t’empêche d’avancer ? Quelles sont les excellentes raisons que tu trouves pour faire autre chose que la thèse ou faire plein de trucs qui semblent liés à la thèse mais au fond de toi tu sais que c’est de l’évitement plus qu’autre chose ? #2 Quel intérêt as-tu à ne PAS finir / avancer plus vite sur ta thèse ? La procrastination, comme toutes les stratégies d’évitement, est un système de protection. De quoi te protèges-tu ? Quelques peurs possibles : peur de l’inconnu, peur d’être jugé, peur de l’inconnu, peur de l’échec, peur de ne pas/plus être aimé.e ; parfois aussi peur de réussir et donc d’être visible, peur de devoir être à la hauteur du titre quand tu auras fini Qu’est-ce que les stratégies que tu as mises en place t’apportent, consciemment ou (plus probablement) inconsciemment ? Qu’as-tu à gagner grâce à ces stratégies ? Quelques besoins sous-jacents possibles liés au fait de rester en thèse et de faire d'autres choses : besoin de sécurité, d’appartenance, de tranquillité, de silence, de créativité, d’action, d’aventure, d'exploration, de connaissance de soi, d’apprentissage, de fidélité à des croyances que tu as sur toi-même… #3 Remercie toi et choisis comment tu souhaites vivre la suite. Une fois que tu as identifié ce que ne pas avancer davantage / faire autre chose t’apporte, tu peux te remercier d’avoir développé ces stratégies pour répondre à ces besoins. Observe ensuite ces besoins : est-ce que ce sont toujours ceux que tu veux mettre en priorité ? Lire beaucoup (trop ?) a par exemple pu satisfaire ta curiosité. Par contre peut-être que la curiosité peut aujourd’hui passer après le besoin d’expression personnelle, qui lui, t’aidera à écrire ce que tu retiens de ces lectures, ce que tu as appris, les questions qu’elles te posent, les réflexions qu’elles suscitent par rapport à ton sujet. Si ce n’est pas le cas, tu peux reconnaître qu’ils étaient prioritaires à un moment de ta vie et choisir d’autres priorités pour la suite. Si c’est le cas, peux tu penser à d’autres stratégies pour répondre à ces besoins tout en avançant ? Par exemple, en ce qui me concerne, j’ai pris conscience que je pouvais continuer à appartenir à la communauté de doctorants et de chercheurs même une fois ma thèse finie, en continuant ce blog, en m’impliquant dans Paren(thèse), en candidatant à un post-doc, en étant chercheur associée à mon labo, etc. Choisir des méthodes pour éviter le gros dragon de la procrastination peut aider mais pour qu'elles tiennent dans la durée, il peut-être utile d'identifier les gros oeufs que cache ce gros dragon pour qu'il n'ait plus rien à protéger ! J'espère que cet exercice t'y aidera. Si c'est le cas (ou pas), tu me racontes ?
1 Commentaire
Hala Abdallah 06-08-1967
1/26/2021 08:24:01
je suis en cours de soutenance, j'ai besoin de formuler une strategie pour surmonter le stress de cet event
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Autrice
Doctorante en fin de thèse quand je lance ce blog, j'ai mis à profit mes 15 années d'expérience professionnelle et de développement personnel préalables pour vivre au mieux cette aventure pour moi et des collègues. Ces dernier.e.s m'ont incitée à partager plus largement, et Puissant.e.s Doctorant.e.s est né ! Archives
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